Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/239

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fait, dans sa position, pour porter un pareil gilet ! J’ai compris qu’il me revenait ; bon tout au plus pour un pauvre nègre comme moi. » Et Adolphe secouant sa tête, passa avec grâce ses doigts dans ses cheveux parfumés.

« C’est là ton avis, hé ? reprît nonchalamment Saint-Clair. Ah ça, écoute un peu ; je vais présenter Tom à sa maîtresse, après quoi tu le conduiras à l’office, et songes-y ! ne t’avise pas de prendre des airs avec lui. Il vaut deux fois un freluquet de ton espèce.

— Maître a toujours le mot pour rire, répliqua Adolphe d’un air radieux ; je suis ravi de voir maître en si belle humeur.

— Ici Tom ! » dit Saint-Clair, et il le fit entrer dans la chambre.

Le nègre demeura immobile sur le seuil, l’œil attaché fixement sur ces splendeurs inimaginables de miroirs, de peintures, de statues, de draperies, et, ravi en esprit comme la reine de Saba devant Salomon, il n’osait poser le pied nulle part.

« Regardez, Marie, dit Saint-Clair à sa femme, je vous ai enfin acheté un cocher en règle. — C’est, vous dis-je, un véritable cocher de corbillard, pour la noirceur et la sobriété. Si cela vous agrée, il vous mènera comme un enterrement. Allons, ouvrez les yeux, examinez-le, et ne dites plus que, dès que j’ai le dos tourné, je cesse de penser à vous. »

Marie, sans bouger, leva les yeux sur Tom.

« Je suis sûre qu’il se grisera, dit-elle.

— Non, non ; il est garanti pieux et sobre.

— Soit ; je désire qu’il tourne bien, beaucoup plus que je ne l’espère.

— Dolphe, reprit Saint-Clair, fais descendre Tom, et prends garde encore un coup, ajouta-t-il, rappelle-toi ce que je viens de te dire. »

Adolphe marcha devant d’un pas leste, et Tom le suivit d’un pas lourd.