Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/542

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qui circulent parmi les esclaves, on sait que rien n’est plus fréquent que les visions du genre de celle-ci. Nous avons eu occasion d’entendre souvent des récits merveilleux, racontés avec une foi naïve par ces hommes simples et croyants. Les psychologistes parlent d’un état dans lequel les émotions deviennent si impérieuses, l’imagination tellement puissante, que les sens leur obéissent, et revêtent l’idée immatérielle d’une forme visible. Qui limitera d’ailleurs l’emploi que le Tout-Puissant peut faire des facultés dont il nous a doués ? Qui lui tracera ses voies pour ranimer l’âme oppressée ? Ah ! si l’esclave, abandonné de tous, croit que Jésus s’est manifesté à lui, que le Christ lui a parlé, qui osera le contredire ? Lui, le Sauveur, n’a-t-il pas dit que sa mission, dans tous les siècles, est de guérir les cœurs brisés, et de relever libre celui qu’écrasait sa chaîne !

Quand les lueurs grisâtres du crépuscule du matin éveillèrent les dormeurs pour le labeur des plantations, parmi ces malheureux en haillons, frissonnants, il en était un qui marchait d’un pas joyeux et triomphal ; car, plus ferme que le sol qu’il foulait, son inébranlable foi se fondait sur l’éternel amour du Tout-Puissant.

Ah ! maintenant essaie tes forces, Legris ! Les dernières angoisses, le malheur, l’abjection, le besoin, la perte de tout, ne feront plus que hâter l’heure où il se lèvera prêtre et roi, selon Dieu !

De ce moment, un inviolable horizon de paix environna le cœur de l’humble opprimé, — le Sauveur, toujours présent, l’avait élu pour son temple. Loin maintenant les douloureux déchirements des regrets terrestres ; loin les fluctuations énervantes d’espérances, de désirs et de craintes ; la volonté humaine si longtemps saignante dans la lutte, courbée aujourd’hui, s’était complètement fondue dans le vouloir divin. — C’était désormais si court à ses yeux que ce reste de vie ! — Si proches, si éclatantes apparaissaient les béatitudes éternelles,