Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/565

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dans le vide, comme pour écraser quelque adversaire invisible.

Tom, néanmoins, était un esclave de prix : serviteur fidèle, laborieux ; et, tout en le haïssant davantage en vertu de ses mérites, Legris hésitait.

Le matin suivant, il prit la résolution de se taire encore ; il allait réunir, des plantations voisines, quelques hommes armés, quelques couples de chiens, entourer le marais, faire une chasse à fond : s’il réussissait, eh bien, à la bonne heure ; s’il échouait ? alors il faisait comparaître Tom devant lui. — Il grinça des dents, ses veines se gonflèrent, — Tom céderait. Sinon ! — Il y eut un mot horrible, murmuré au dedans de lui, mot que son âme approuva.

L’intérêt du maître, dites-vous, est pour l’esclave une suffisante garantie ! Quoi ! dans la frénésie de la passion, l’homme, pour parvenir à ses fins, vend jusqu’à son âme, et l’on veut qu’il ménage le corps de son prochain !

« Eh bien ! dit Cassy, le lendemain, après avoir épié au trou de la lucarne, voilà leur chasse qui recommence ! »

Trois ou quatre cavaliers caracolaient devant la façade, et une ou deux paires de chiens étrangers luttaient contre les nègres qui les tenaient accouplés, aboyant et grondant les uns contre les autres.

Deux de ces hommes étaient surveillants des habitations les moins éloignées ; les autres, camarades de bouteille de Legris, venaient des tavernes de la ville voisine, amenés par l’attrait de la chasse. On aurait eu peine à imaginer une plus odieuse bande. Legris leur servait du rhum à profusion, et ne le ménageait pas non plus aux nègres, glanés pour ce service dans les diverses plantations, car il est d’usage de faire, autant que possible, de la chasse d’un esclave une fête pour les autres.

Cassy, l’oreille collée à la lucarne, entendait une partie des paroles qui s’échangeaient, et que lui apportait la brise