Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/564

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dans cette oasis dorée du soleil, où des mains généreuses cachaient ses chaînes sous les fleurs. Enfin, nous l’avons suivi jusqu’où s’éteignait le dernier rayon des espérances terrestres, et alors nous avons vu le firmament du monde invisible se consteller pour lui d’étoiles d’un impérissable éclat.

Maintenant, l’astre du matin vient de poindre au sommet des montagnes, et les brises qui soufflent du ciel annoncent que les portes du jour s’entr’ouvrent.

La fuite de Cassy et d’Emmeline poussa le violent caractère de Legris au dernier degré d’irritation, et, comme il était aisé de le prévoir, toute sa rage tomba sur la tête sans défense de Tom. Lorsque, en toute hâte, le maître annonçait à ses nègres la nouvelle de l’évasion, l’éclair de joie qui jaillit des yeux de Tom, le mouvement instinctif de ses mains levées, ne lui échappèrent pas. Il vit que le noir ne se joignait point à la poursuite, et songea d’abord à l’y contraindre. Mais il avait l’expérience de sa résistance opiniâtre dès qu’il s’agissait de prendre part à un acte d’inhumanité, et il était trop pressé pour risquer le conflit.

Tom resta donc en arrière avec le petit nombre de ceux qui de lui apprenaient à prier, et tous adressèrent en commun leurs vœux au ciel pour le salut des fugitives.

Quand Legris revint tout penaud, la haine, qui fermentait dans son sein contre son humble esclave, prit tout à coup des proportions formidables. — Cet homme ne le bravait-il pas, — ferme, inflexible, indomptable, et cela du jour qu’il l’avait acheté ? N’y avait-il pas dans ce nègre je ne sais quel esprit silencieux qui dardait sur lui, Legris, comme une flamme infernale ?

« Je le hais ! dit-il cette nuit-là, s’agitant dans son insomnie ; je le hais ! Et n’est-il pas ma propriété ? Ne suis-je pas maître d’user de lui comme il me plaît ? Qui pourrait m’en empêcher ? » Serrant le poing, il le brandit