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Page:Beecher Stowe - La fiancée du ministre, 1864.djvu/13

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comment elle donne à ses cornichons un si beau vert, et il lui restera le loisir de veiller la pauvre Mme Simpkmis attaquée d’un rhumatisme.

C’est à cette classe de femmes qu’appartenait la veuve Scudder. Fille unique d’un armateur de Newport, elle avait été jadis une belle et grande jeune fille aux yeux noirs, avec des sourcils merveilleusement arqués, un pied cambré comme celui d’une Espagnole, une petite main à qui rien ne fut jamais impossible, la parole prompte, l’esprit vif et quelque peu positif. Elle savait atteler une voiture ou conduire un bateau à rame ; elle eût pu seller et monter tous les chevaux du voisinage ; elle taillait à merveille tous les ajustements imaginables ; elle faisait dès son plus jeune âge la pâtisserie, les confitures et les liqueurs avec le succès le plus précoce, et tout cela sans préjudice d’un certain air de qualité inhérent à sa gracieuse personne.

Une jeune fille si agréable devait naturellement trouver beaucoup d’admirateurs, et plusieurs hommes bien pourvus déposèrent aux pieds de Katy leur cœur et leur fortune ; mais, à l’étonnement général, elle ne prit pas même la peine de se baisser pour les regarder. Les gens sages secouèrent la tête, se demandant quel parti Katy Stephens espérait trouver ; ils parlaient même tout bas du héron de la fable, jusqu’à ce qu’un jour elle surprit tout son monde en épousant un homme que personne n’eût jamais songé à lui voir accepter.

Georges Scudder était grave et pensif, peu adonné à la conversation, et généralement silencieux dans la société des femmes, par suite d’une timidité respectueuse, souvent l’indice d’une âme pure et élevée. Comment Katy avait-elle pris du goût pour lui ? c’est ce que personne ne savait, car il ne lui parlait guère, ne ramassait pas même son gant s’il venait à tomber, ne l’invitait jamais à se promener avec lui en voiture ni en bateau ; en un mot, tous s’accordèrent à dire qu’il fallait qu’elle l’eût épousé par pur esprit de contradiction, parce qu’il était le seul de tous les jeunes gens du pays qui ne lui eût jamais fait la cour. Mais Katy, qui avait de bons yeux, vit ce que personne ne voyait. Ainsi, par exemple, le hasard lui fit découvrir que Georges Scudder