Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/38

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estimees. Car cõme ainsi soit que nous voiõs quelques endroicts non seulement en la terre, mais aussi en touts autres elements ou nature produist quelque chose particuliere qu’õ ne le scauroit trouver ailleurs, semblablement les hommes la reçoipuẽt d’une particularité speciale, attribuãt tel douaire a la vertu singuliere du lieu qui l’a produicte : & pour exemple mettãt les mines de divers metauls ou biẽ diverses especes de pierreries, qui ne se trouvent qu’ẽ un endroict, les hommes le referẽt a ce que i’en ay ia dit, comme aussi les Serpents produicts es deserts, esquels combien que la terre soit sterile pour autres animaux terrestres, toutesfois nature leur a dõné abõdant pasturage a leur nourriture, en sorte que qui les transporteroit ailleurs ou la terre seroit fertille pour autres animaux, toutesfois on la trouveroit sterile & mal consonãte a leur naturel. Pareillement la mer est en quelques parts fertile d’une herbe, qui ne croist point ailleurs : aussi nourrist elle quelque poisson qu’on ne voit point autre part. Pour exemple de quoy ie prens le Scarus, lequel ie n’ay iamais trouvé es rivages de Crete, sinon en celle partie qui regarde le levant : car la mer n’engendre point de l’herbe dont il se nourrist sinon en cest endroict la. Aussi la mer produict un Serpent qui n’est pas terrestre, mais est Serpent de mer, lequel ie di estre si rare, qu’il est peu de gents qui le aient veu. Et pource qu’il est rarement prins en toutes mers, il m’a semblé estre tant plus digne d’estre adiousté en ce lieu. S’il estoit des especes des poissons que i’ay descripts par le menu, ie le descriroye semblablement. Mais le mettant ici comme chose hors de mon propos, il me suffit d’enseigner par sa peincture, que c’est luy dont Aristote ha parlé en le nommant Serpent de mer. Et a dire la verité, encor qu’il soit bon a manger comme un Congre, ou une Murene, Anguille, Lamproie, & Gallee, toutesfois le commun peuple le voiant si approchant du Serpent terrestre, l’ha en horreur, comme s’il n’estoit pas poisson, & faict difficulté d’en menger, lequel i’ay faict peindre en circuit, car autrement ie n’eusse sceu exprimer sa longueur.