Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/43

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par accident, de laquelle chose ie puis porter tesmoignage de l’avoir veu en plusieurs lieux, & divers ports, & plages de la mer. Ie me suys trouvé en compaignies de plusieurs gents que ie pourroye bien nommer, & entre autres de Benigne de Villars appoticaire de Diion, qui d’une observation expresse avons eu souventes fois plaisir en plusieurs Isles d’Æsclavonnie & de Grece, regardants venir les Daulphins de plaine mer, quelquefois en compaignie, les autres fois deux a deux. Car ils s’acouplent masle & femelle, sans se laisser iamais l’un l’autre, & n’allants point seul a seul. Lesquels en faisant la chasse en la spacieuse campaigne de la mer. Apres que d’une grande industrie ils ont reduicts plusieurs petits poissons des lieux descouverts en la mer & contraictns & serrez en quelque destroict, ou es endroicts de la mer qui ne sont pas parfonds, cognoissants les estres des rivages, a lors entrent avec une impetuosité sur celle multitude, ils se paissent indifferemment tant de l’un que de l’autre. Et si ils se trouvent dedens quelques compaignees de Selerins, ou de Sardines, d’autant qu’elles sont si especes qu’elles s’entretouchent en la mer, ils en font si grand degast, n’en mangeants que la teste, ne faisants estime du reste des corps. Qui est chose qu’on cognoist a les trouver flottants sur l’eaue, en grande multitude ou bien deiectez es rivages en grand nombre. Mais les autres paouvres poissons qu’ils ont ainsi reduicts par les destroicts, en sont si espouventez de l’arrivee des Daulphins & tant craintifs de leur impetueuls assault, qu’ils se trouvent mal asseurez en leur propre element. Et en cherchant leur salut en un autre, ils se mettent encore en un plus grand danger. Car sachants qu’il n’y a espoir de se saulver en l’eaue, ils saultent en l’air, ou ils ne peuvent guere longuement rester. A lors on les voit recheoir si dru en la mer, qu’il semble proprement que ce soit pluye tombãt du ciel. Mais pour cela encore ne sont ils pas saulvez, d’autant que les oyseaulx qui suyvent les Daulphins a grands bandes, font tout ainsi en leur endroict comme font les chasseurs a l’endroict de l’Esmerillon. Car les chasseurs avec une grande troupe de chiens courants, chassants au lievre par la campaigne, dõnent souvent moyen a l’Esmerillon & Hobreau qui les suyt, de se repaistre des alouettes & petits oyseaux que les chiens contraignent de s’eslever de