Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/54

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commande aux autres, c’est par sa vertu, & non par force d’armes. Car en tout ce qu’il ha pour nuyre aux autres, ou se deffendre, sõt seulement les dents. Il ha sa peau totalement lubrique & glissãte comme aussi touts autres poissons nombrez es especes de son gẽre c’est dire Cetacea. Il est sans escailles, & ha la queue contre la reigle & coustume des autres poissons, lesquels suyvant la forme de leur corps qui est plat, la portent a la mesme maniere, mais le Daulphin la porte oblique comme sont les oyseauls. Car un oyseau estant de forme ronde en longueur, & volant en l’air, en estẽdant sa queue, il use d’icelle comme d’un gouvernail, & s’en sert pour se soulager en volant, chose que nous pouvons veoir es Millans Hirondelles & es Cresserelles, qui se tiennent long temps en l’air en un mesme endroict se soustenants de leur queues & des aisles, sans point se remuer. Mais puis se voulants darder vont comme une flesche, aiants retiré leurs aisles, lesquelles ils ne remuent point, se gouvernants seulement de la queue, ils vont d’une vistesse incomparable. Semblablement les Daulphins, aiãts la queue oblique, nagent seulement de la pesanteur de leur corps sans point y travailler leurs aisles, mais seulement leur suffit estre aidez de la queue qui conduyse le corps. Laquelle ils ont compassee a la façon d’un croissant, non pas du tout en vray façon de Lune comme les Tons. Car ils ont d’avantage quelques autres entailleures. La dicte queue leur baille une tresgrand force en nouant, car elle est robuste. Tellement qu’on pourroit dire que leur queue les soustient en l’eau quasi en balance, comme la queue des oyseaux en l’air. Le Daulphin ha les yeulx fort petits, veu la grandeur de son corps. Il peult ciller a la maniere des bestes terrestres amenant la paupiere pour couvrir la prunelle des yeulx. Les conduicts de son ouye sont si petits que n’y apparoist aucune cognoissance de pertuys, si l’on n’y regarde exactement. Celuy qui les vouldroit trouver, les cherche en ceste maniere : qu’il commence au coing de l’œil, & suyve de droicte ligne allant vers les aisles, & il les trouvera distants a six doigts de l’œil. Et s’il prẽd un brin de paille, & choisisse la partie deliee a laquelle est attaché l’espi, & la fiche dedens les conduicts de l’ouye du Daulphin, & puis trenche la chair avec un cousteau suyvant la