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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/165

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MADEMOISELLE GIRAUD

les grands divans de la Turquie ne fussent pas adoptés par nos tapissiers parisiens ? Et ces livres placés sur l’étagère, leurs reliures que j’avais déjà remarquées chez elle, n’auraient-ils pas dû me donner à réfléchir ? Ma femme n’était coupable, comme le faisait observer la comtesse, que d’avoir spirituellement éludé mes ordres. Je ne pouvais avoir contre elle aucun grief sérieux, aucun grief nouveau, bien entendu, car l’ancien, subsistait toujours. Oh ! toujours ! j’en étais au même point !

Et, cependant, le croiriez-vous, je fus pris d’une tristesse mortelle, d’une mélancolie plus profonde que jamais. Depuis huit jours ma jalousie avait fait diversion à ma douleur : je ne rêvais que vengeance, duel, mort. Et voilà que, tout à coup, cette jalousie n’avait plus de raison d’être : j’étais obligé d’abandonner tous mes projets… guerriers, je rentrais dans le statu quo. Ma terrible idée fixe me reprenait et je me retrouvais en face de l’énigme qui me torturait sans relâche.

Les distractions mondaines que j’avais essayé de goûter ne m’avaient point réussi. Depuis longtemps déjà j’avais rompu avec la créature dont je vous ai parlé : ces relations m’écœuraient, le remède était pire que le mal.

L’idée me vint de voyager : « Le mouvement, le bruit,