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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/173

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MADEMOISELLE GIRAUD

À Nice, je m’arrêtai ; avant de me diriger vers Paris, je désirais connaître au juste l’état de mon cœur et consulter un peu celui de Paule. Hélas ! je fus bientôt fixé à l’égard du mien ; cette absence de trois mois, cette course vertigineuse de ville en ville, n’avaient fait qu’en accélérer les battements. Mon imagination qui, déjà, vous le savez, était assez vagabonde à Paris, se livrait maintenant à des ébats désordonnés. J’avais commis une grande faute : lorsqu’on veut se rasséréner, s’apaiser, redevenir maître de soi, on ne se réfugie pas en Italie, cette terre classique des volcans et des musées secrets.

Mais qu’importait cette recrudescence d’ardeurs, si, grâce à mon absence, à l’isolement dans lequel il avait vécu, le cœur de Paule s’était mis à l’unisson du mien ? Que voulez-vous ? mon cher ami, lorsqu’on revient d’Italie, on ne doute de rien. Le printemps avait depuis peu succédé à l’hiver, je comptais sur le soleil d’avril pour dissiper les brouillards qui s’étaient élevés entre ma femme et moi, et fondre les neiges au milieu desquelles, jusque-là, elle avait pris plaisir à vivre. Je me disais : « Tout, en ce moment, autour d’elle, chante l’amour ; elle doit s’être laissé toucher par cette sublime harmonie, et voudra mêler sa voix au grand concert donné par la nature. » —