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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/174

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MA FEMME

Excusez, mon ami, la tournure poétique de cette dernière phrase ; c’est toujours l’Italie qui me travaille.

Je reviens à la prose pour ne plus la quitter ; ce qu’il me reste à vous dire, ou plutôt à vous laisser deviner, ne mérite pas qu’on se mette en frais de style. En face de certaines infamies, il n’est pas permis de se taire ; on doit élever la voix pour les condamner. L’indifférence, le dédain, le silence, les encouragent ; l’ombre, les ténèbres qui les environnent leur font espérer l’impunité ; elles s’étendent, elles grandissent, elles prospèrent, elles portent la honte, le déshonneur autour d’elles. Il faut les combattre à outrance, sans craindre de blesser des oreilles délicates, d’éveiller des idées dangereuses. C’est en ayant de ridicules pudeurs, en ménageant les vices, en négligeant de les flétrir, qu’ils arrivent parfois, à la longue, à passer pour des vertus. Si vous n’osez pas dire à ce bossu : « Tu as une bosse ; » à ce nain : « Tu es difforme, » ce nain et ce bossu vont se croire de beaux hommes. Que de sociétés se sont perdues parce qu’il ne s’est pas trouvé d’hommes assez forts ou assez autorisés pour leur crier : « Prenez garde ! un nouveau vice vient d’éclore, une nouvelle lèpre vous envahit ! » N’étant pas prévenues, elles n’ont pu se défendre, le vice a grandi, la lèpre s’est étendue et a fait

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