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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/186

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MA FEMME

m’empresserai de dire gracieusement à mon voisin de table : « Si ma bonne étoile ne m’avait pas fait vous rencontrer à Nice, j’aurais eu certainement le plaisir de vous connaître, cet hiver, à Paris ; votre femme et la mienne sont amies intimes. »

Je m’étais déjà répété deux fois cette phrase ; je m’étudiais à l’arrondir, à la polir, lorsque tout à coup je me frappai le front, en m’’écriant : « Mais ton idée est absurde ! Crois-tu donc qu’il soit agréable à M. de Blangy, d’entendre parler de sa femme ? Il l’a quittée, il l’a abandonnée, et tu vas lui rappeler ses torts. Il s’applique à oublier qu’il est marié, de quel droit l’en ferais-tu souvenir ? »

Oui, il était de bon goût de me taire ; les plus simples convenances me l’ordonnaient. Mais depuis trois mois, je n’avais parlé de Paule avec âme qui vive, je n’avais pas une seule fois prononcé son nom, une occasion unique se présentait de m’occuper quelques instants de celle qui me tenait tant au cœur, et j’étais trop amoureux pour ne pas, au mépris de toutes les convenances, céder à la tentation.

J’y résistai deux jours, cependant ; je crois même que j’aurais résisté plus longtemps, s’il était venu, en ce mo-

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