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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/278

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MA FEMME

l’ombre d’elle-même. Je ne croyais pas qu’on pût changer à ce point.

De grosses larmes tombaient de mes yeux sur sa main. Elle sentit que je pleurai et me dit :

— Merci.

À chaque instant ses lèvres s’entr’ouvraient, je croyais qu’elle allait parler. Mais elle ne pouvait y parvenir.

Pendant la nuit, elle fut en proie aux hallucinations dont m’avait entretenu sa mère. Elle semblait se débattre contre un fantôme qu’elle essayait de repousser avec ses mains et qui revenait sans cesse. Des cris rauques s’échappaient de sa gorge. Parfois, en me penchant sur elle, je l’entendais murmurer des phrases sans suite comme celle-ci :

— Va-t’en… va-t’en… misérable… perdue… j’ai peur… j’ai peur… lui, lui !

La matinée fut plus calme. Étendue sur sa chaise longue, devant la croisée, elle ouvrait par moment les yeux et regardait au loin dans la direction de la mer. Un instant, je craignis que le grand jour ne la fatiguât et je m’avançai vers les rideaux pour les fermer. Elle vit mon mouvement et je l’entendis murmurer :

— Non, non, laissez… Cette vue me fait du bien… je me crois encore là-bas, tout là-bas, près de vous, à Oran.