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Page:Beltjens - Midi, 1885.djvu/15

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Les sénateurs assis sur leurs chaises curules,
Discutant et parquant les peuples par milliers,
Sous leurs verges d’éclairs, gigantesque férules,
Trembleront en pleurant comme des écoliers.

Sur les peuples hagards que la guerre extermine,
Et fuyant éperdus à travers les halliers,
Ils iront, secouant la peste et la famine,
Pareils à des semeurs vidant leurs tabliers.

Comme le Christ chassant à grands coups de lanières,
Hors du temple, vendeurs, trafiquants et filous,
Au fond de vos palais, au fond de vos tanières,
Ils sauront vous trouver, pasteurs pareils aux loups !

Qu’est-ce que vous direz, faiseurs de solitudes,
De qui le monde était le sanglant escabeau,
Sombres dominateurs des pâles multitudes,
Dont le seul geste ouvrait les portes du tombeau ?

Les cèdres du Liban sont couchés dans les herbes ;
La mer, ta mer entière est une urne qui bout ;
Les trombes ont rasé les archipels superbes ;
Sur les noirs continents les volcans sont debout !

À quoi vous serviront, altières Babylones,
Vos bastions, vos tours, vos remparts si vantés,
Quand le Nord formidable et les ardents cyclones
Soudain prendront d’assaut vos murs épouvantés ?