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Dans l’immense étendue avoir six pieds d’espace ;
Au sortir du berceau marcher vers le cercueil ;
Entre ce double pôle être une ombre qui passe,
Un navire certain de rencontrer recueil ;

Sur la foi d’une étoile émergeant de la nue
Croire à l’aspect lointain de radieux sommets ;
Voguer à tour de bras vers la rive inconnue
D’une terre promise et… n’arriver jamais ;

Poussé par le désir d’atteindre ce rivage,
D’inutiles fardeaux se lester en chemin ;
Jeter en holocauste à la houle sauvage
Les seuls bonheurs, les vrais, qu’on avait sous la main ;

Voir un instant l’abîme, avant que l’on y sombre,
D’un rayon fugitif d’espoir illuminé,
Et sous ce pâle éclair qui rend la nuit plus sombre
S’apercevoir soudain que tout est terminé ;

Penser ; user ses jours à déchiffrer l’empreinte
Du palimpseste obscur de son propre cerveau ;
Être un sphinx de soi-même, un vivant labyrinthe
Où, sans trouver d’issue au plafond du caveau,