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À travers cent détours, l’âme désespérée
Se cogne à tous les murs, triste chauve-souris,
Qui soulève en passant de son aile effarée
La cendre des bonheurs depuis longtemps pourri ;

Être un chaos formé de fange et de lumière ;
Ignorer d’où l’on vient, sans savoir où l’on va,
Puis disparaître un jour, s’en aller en poussière,
Sans rien avoir atteint de tout ce qu’on rêva ;

Hélas ! voilà la vie, Ygrec inexplicable ;
Adversité, bonheur, voilà les deux chemins ;
Nous y marchons, poussés par le sort implacable,
Mais nul n’y peut choisir parmi tous les humains.

Pour entrée ici-bas j’eus la porte fatale,
La porte aux gonds de bronze, où, sur un fond noirci,
L’inscription terrible en traits de feu s’étale :
« Désespérez-vous tous qui venez par ici. »

Ceux-là, que leur destin soit obscur ou célèbre,
Qu’ils soient nés dans un bouge ou bien dans un palais,
L’infortune d’avance avec sa main funèbre
De leur triste carrière a fixé les relais.