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Marâtre pour eux seuls, la Vie, aux autres mères,
Refuse d’allaiter ces pâles nourrissons ;
La Tristesse les prend sous sa tutelle amère
Et berce leur esprit de ses vagues chansons.

Ils sucent à longs traits de leur bouche morose
Son lait qui les prépare au vase des douleurs,
Forts comme des rochers que la tempête arrose,
Où germe lentement le sourd torrent des pleurs.

Tout enfants, on les voit, fuyant la multitude,
Pour lire dans un livre interrompre leurs jeux,
Cherchant par on ne sait quel âpre inquiétude
À savoir le secret de leurs cœurs orageux.

D’un idolâtre amour épris de la nature,
Pensifs, l’âme éperdue en de vagues soucis,
Tout un soleil gardant une même posture,
Dans quelque lieu sauvage on les rencontre assis,

Sur le bord d’un torrent regardant l’eau qui passe,
Écoutant sous les bois la brise murmurer,
Suivant des yeux l’oiseau qui s’enfuit dans l’espace,
Et sans savoir pourquoi se mettant à pleurer.