Page:Beltjens - Nox, 1881.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 31 –


Toi, si tu vis là-haut, Créateur de mon être,
Dieu sourd-muet, chez qui vainement nous frappons,
Si je ne puis te voir, te parler, te connaître,
Pourquoi de mon néant m’as-tu tiré ? Réponds !

Dieu ! si ton nom n’est pas le nom d’une chimère
Que le mensonge impose à l’imbécillité,
Un frêle épouvantail, un fétiche éphémère
Dont l’homme se délivre à sa virilité ;

Qui que tu sois enfin, foyer où se condense
La vie universelle et de qui nous sortons,
Volontaire ou fatal, Destin ou Providence,
Tyran stupide ou père impuissant d’avortons ;

N’importe, tu ne peux m’empêcher que je fasse
Divorce avec la Vie et d’en prendre congé,
Et, libre de partir, je te jette à la face
Cet être, ce fléau que tu m’as infligé !

Dans la tombe éternelle au moins je puis descendre
Sans que de mon malheur je laisse un héritier ;
Nuit sans fin, Nuit sans borne, à jamais prends ma cendre
Grande Nuit sans réveil, reçois-moi tout entier !