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Page:Beltjens - Nox, 1881.djvu/30

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Sur l’écorce d’un hêtre, en mes jeunes années,
Ma main grava mon chiffre, un beau jour de printemps,
Bien des fois l’arbre a vu fuir ses feuilles fanées,
L’inscription résiste et croit, avec le temps.

Ainsi le souvenir de ma jeunesse heureuse
Et d’un être à genoux trop longtemps adoré,
Chaque jour plus avant dans moi-même se creuse,
Signe autrefois béni, maintenant abhorré.

Dans ma chair, dans mon sang, il glisse, il enracine,
Il incruste vivants ses funeste réseaux ;
C’est ma robe de feu qui brûle et qui calcine
Jusqu’à les dessécher la moelle de mes os !

Voilà pourquoi je hais ton air que je respire,
Et ton sol que je foule, ô terre, affreux séjour ;
Et ta clarté perfide, exécrable vampire
Que je ne veux plus voir, astre maudit du jour !

Soyez maudits, cent fois maudits, ciel taciturne,
Toi, marâtre Nature, aux cachots étouffants ;
Univers, cauchemar d’un aveugle Saturne
Qui dévore, aussitôt qu’ils sont nés, ses enfants !