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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

vous avez une hallucination. En arrivant à un tournant de la route, aux grands pins, en passant brusquement du soleil dans l’ombre, vous croyez voir votre Arlésienne. Un recul : vous retenez votre cheval. Seconde de stupeur : vous repartez.

L’autre essaye ce jeu difficile. Et Antoine, calme, lui coupe ses effets.

— Non, monsieur ! Pourquoi lever la tête ? Ce n’est pas dans le ciel que vous voyez cette femme. Est-ce la sainte Vierge qui vous apparaît ?

— Monsieur Antoine, dit Frédéri, c’est la faute du cheval.

— Non, monsieur, reprend Antoine, sur le même ton paisible qui souligne sa sévérité, votre cheval, lui, est vrai, toujours vrai — tandis que vous, vous jouez faux !

— Pardon, monsieur Antoine, c’est vous-même qui traitiez mon cheval de bourgeois !

— Eh bien, monsieur, il est vrai dans sa bourgeoisie ! Ne discutez donc pas avec moi ! Si vous