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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

aux trois quarts écroulée, forme une grande ombre romantique, et tout le soleil s’inclinant donne sur Fontvieille et les moulins ; qu’il détaille et rajeunit. L’heure changeant, ce n’est plus la même campagne. La grande magie des ombres, qui s’allongent ou se ramassent, lui font un nouveau visage, et c’est le temps qui le façonne comme celui des humains. Féerie de l’été ; elle aide Antoine à ne plus voir le réel, dans sa platitude ou sa sottise. La poésie provençale le captive, le berce, l’apaise et lui donne la philosophie qui convient quand, à la première teinte du crépuscule ; il enlève sa casquette anglaise, son horrible casquette, et dit à sa troupe :

— C’est pour avoir l’honneur de vous remercier !

Aussitôt, comme des enfants, hommes et femmes sautent sur leurs pieds :

— Vive le patron !

Le régisseur, qui sort d’une botte de foin, où il rêvait à un travail épuisant, soupire :