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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

veille ! Il donne toujours cinquante fois ce qu’on attendait.

Arles aussi, Arles étalée sur l’horizon, dans l’or pâli de cette soirée de juin, donnait plus que notre espoir à nos pensées rêveuses. Nous marchions dans la poussière sèche de la route encore aveuglante et les pieds blancs comme des pèlerins, nous n’avions pourtant le souci ni de la fatigue, ni de la chaleur. Antoine imaginait, et moi je « vivais » Antoine ; et je me disais :

— Ce film, même s’il est manqué, aura toujours servi à faire vivre à cet homme, qui mesure et pénètre la vie, un rêve de plus. L’art, le plus grand, n’est que cela : une chimère qu’on tient un instant. Que j’ai de chance devoir vu au travail cet esprit et ce cœur ardents !

Les Antoine, on les compte. Je remercie le destin de m’avoir fait connaître, suivre et aimer celui-là. Et peu m’importe si certains esprits ricanent ou me plaignent pour cette phrase naïve que je viens d’écrire. Je me soucie d’eux moins que du