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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

une première fois, me voici tout brûlant du désir de la refaire, et le jour où vient le procès je fais demander par mon avocat la permission de me défendre en personne. Le Président fait répondre qu’il est le maître de son audience — ce qui, d’ailleurs, n’est pas exact — et il refuse.

Piqué, je dis tout haut : « De quoi a-t-il peur ? »

Puis le sens du ridicule l’emporte sur mon dépit ; et je ris de moi-même. Serais-je vexé ? Aurais-je une plaidoirie rentrée ? Ah ! que c’est drôle ! Ainsi, tout ce cabotinage a réussi à m’aveugler à mon tour, et je voulais jouer, moi aussi, mon petit air dans la danse.

Soyons raisonnable : cette histoire, de quelque côté qu’on la prenne, n’a aucun intérêt. Elle représente seulement une vague agitation humaine dans le milieu des cabotins, et Bossuet récrirait de nos jours son Discours sur l’Histoire universelle qu’il ne pourrait lui accorder la moindre place. Pourtant, c’est la Première Chambre, la grande Première Chambre, dans la salle où Marie-Antoinette fut condamnée, qui, durant trois heures d’horloge, le 4 avril 1922, s’est occupée de cette pauvreté. Des magistrats siègent là, qui sont accablés d’affaires violentes ou misérables ; et, pendant trois heures, il a fallu que ces hommes graves étudiassent le cas de l’Arlésienne.

Mon défenseur — je l’ai dit déjà — était Me Campinchi.