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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

qui n’est qu’une partie de la société ? Peut-être ai-je fait du bien au tout : ce serait l’excuse du mal que j’ai pu faire à la partie. Or, ce récit, qui, de toute évidence, n’incite ni à la débauche ni à l’anarchie, il a semblé qu’il faisait rire ; le rire aide à l’hygiène publique. De plus, il avait une prétention : remettre tranquillement, au nom du cher bon sens, à leur vraie place quelques êtres falots qui, dans nos temps lâchés, se poussent au premier rang. On dit qu’en politique, depuis un siècle et demi, les hommes sont égaux : ils ne sauraient l’être sous l’œil d’un écrivain. Antoine est une figure de premier plan ; les autres n’étaient que des utilités. Dès qu’on compose, on place ; dès qu’on place, on juge ; dès qu’on juge, on ne peint pas les imbéciles du même pinceau que les génies. L’égalité en art est un mot privé de sens.

« Je me demande si devant la Justice il en a davantage. Nous croyons être égaux, parce que nous nous présentons ensemble sur des bancs pareils. Nous ne le sommes… que le temps que le tribunal décide lequel aura perdu. Une certaine allégresse intérieure m’indique que je ne serai pas forcément celui-là ! »

Vous avez bien compris que cette plaidoirie, je ne la faisais qu’à mes pieds, devant mon feu. Mais l’ayant faite