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Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/59

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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

Et, déjà, il ouvre les yeux grands.

Dans une torpédo suivent l’opérateur, les appareils, les écrans, le rouquin, tout pêle-mêle, pieds par-dessus tête. Les passants regardent, le rouquin rit et l’opérateur chante :

— Et zou ! Et zou ! Et il n’y a pas à s’en faire !…

À peine roule-t-on dans la campagne que le Sociétaire déclare : « C’est lamentable ! Pays plat, pays surfait, de la crotte ! » Et il donne à son opinion une largeur, une richesse, un creux qui font songer respectueusement à cette scène glorieuse sur laquelle il évolue d’ordinaire.

Il ne regarde pas ceux à qui il s’adresse : il est habitué à jouer devant des salles obscures.

— En ai-je parcouru des plaines, des gorges, des montagnes !

Il a dit « plaines » d’une voix unie, qui s’est enflée pour « gorges » et s’apaise sur « montagnes » afin d’évoquer la sérénité des hauts sommets. Il n’a pas une âme ordinaire. C’est une