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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

sation tombe, on entend, autour du mas, les cloches du troupeau ; et ces sonnailles évoquent la haute montagne, sur une plaine rase comme elle, où la pensée des hommes imaginatifs se nourrit de la même poésie.

— Le taureau, reprend le marquis, il faut bien comprendre qu’à nos yeux c’est… un demi-dieu.

Il sourit, comme pour s’excuser.

— Le taureau est un tel objet de respect que les femmes, quand elles en rencontrent un, essayent de le faire toucher par leurs petits enfants.

La jeune fille frémit à ces mots.

— Comme vous vibrez, mademoiselle ! remarque aussitôt le régisseur.

Elle rougit avec grâce, et le marquis répond :

— C’est qu’elle a toujours vécu sous notre ciel… Elle monte nos chevaux. Elle figure à nos fêtes.

— Tiens, tiens, fait mielleusement le régisseur.

— Enfin, l’amour du taureau, dit le marquis,