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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Georges Albert, qui tient un haras près de Besançon.

Antoine ne répond plus et fait signe qu’il veut de l’eau de seltz.

— Donc, dit le Sociétaire, Georges Albert m’avait dit : « As-tu déjà vu un étalon couvrir une jument ? »

Il a donné de la voix sur cette phrase, si généreusement, qu’à plusieurs tables les bouches se taisent et les oreilles se dressent. Un père de famille qui déjeune, tout près, entre ses deux filles, devient attentif et un peu angoissé. Mais le Sociétaire n’est plus dans la salle à manger de l’hôtel du Forum, à Arles. Il est au haras de Besançon. Il assiste à des choses surprenantes et magnifiques, et il les décrit avec la liberté de son âme éprise de toute la vie.

D’une voix sonore et cuivrée, vraie trompette de l’Amour, il dépeint à ces gens, assemblés, semblait-il, pour un repas, l’étalon qui hennit et, superbe, s’élance sur la jument. Le père de famille,