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GRANDGOUJON

— On voit.

— Bien, j’en veux !

— Mais dis donc ! recommença Nini sur la même note.

— Chère âme, en ce monde le mâle décide et les femelles subissent. Or, celle-ci m’attire. Fatalité ! Tu n’as qu’à finir ton apéritif et moi qu’à suivre Grandgoujon. (Que j’aime ce Grandgoujon !) Grandgoujon, quand me présentes-tu ?

— Quand tu voudras.

— Tout de suite.

— Viens.

— J’arrive. Au revoir, toi…

Hâtivement Grandgoujon paya l’addition ; ils se levèrent ; Nini tenta de suivre. Moquerard lui fit des grimaces et lui donna rendez-vous pour le soir. Après qu’elle l’eût quitté, il dit ;

— Je n’irai pas, bien entendu.

Grandgoujon se sentit rafraîchi par ce cynisme :

— Elle a pourtant l’air mignonne.

— C’est une femme ! lança Moquerard. Il ne faut pas se laisser embêter par les femmes !

— En ce cas, pourquoi en voir une nouvelle ? dit Grandgoujon.

— Pour ne moisir chez aucune.

Et il se mit à lui parler dans le nez :

— Ma vieille, l’amour, il ne faut pas croire, comme les poètes, que c’est l’affaire la plus grave sous la calotte des cieux. Ce n’est pas plus grave que de savoir si le pissenlit en salade est rafraîchissant ! Mais, quand l’amour s’impose…

Il ajouta en sourdine, et comme défaillant :