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GRANDGOUJON

Après quoi, ils montèrent chez Madame des Sablons.

Elle parut enchantée que Grandgoujon lui présentât ce personnage. Elle n’avait plus la même robe qu’à midi. Elle n’était pas en tenue de guerre. Elle portait un corsage garni de dentelle fine, et un collier de pierres vertes, qui se détachaient bien sur son cou d’une chair blanche et grasse.

Elle les fit entrer dans un boudoir Louis XV, bourré de choses anciennes, vieux meubles, vieilles gravures, vieux coussins.

— Oh ! le vieux, que c’est bien ! dit Grandgoujon avec attendrissement.

— Hélas ! dit Madame des Sablons, je ne suis plus souvent chez moi, avec mes cantines et mes pauvres soldats.

Elle se tenait crânement, les mains dans ses poches de jupe. Grandgoujon la trouvait chaque fois d’une grâce nouvelle et plus prenante. Il lui fit des yeux touchants. Moquerard, lui, pour commencer, fut cauteleux et phraseur :

— Quelle douce lumière, chez vous, Madame ! Quand on pense que c’est ce même bougre de soleil qui éclaire votre pièce divine et l’immonde armée boche !…

Puis, par saccades, il devint agressif, violent, d’une audace qu’il rendait possible en prononçant chaque mot sur un ton farce.

— Ceci, d’ailleurs, n’est pas une pièce comme les autres… On y respire curieusement… Mon ordonnance, qui s’appelait « Fesse en bois », au-