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GRANDGOUJON

— Prodigieux ! dit Grandgoujon. Il va me tirer d’affaire.

— Sans blague ? Alors tu payes un litre ?

— Volontiers ! Mais, je me trotte ?

— Pis manœuvre comme il faut.

Un quart d’heure plus tard, Grandgoujon sonnait chez Moquerard. Aussitôt, remue-ménage dans l’appartement, mais personne ne vint ouvrir.

Il résonna, entendit nettement une porte se fermer, puis plus rien.

Stupéfait, il sonna une troisième fois. Silence… Ah ! Alors il devint rouge, se sentit l’homme qu’on dupe, et redescendit, marmonnant :

— Eh bien, en voilà un sale oiseau vicieux !… Pourquoi m’a-t-il fait venir ?… D’ailleurs… il doit être féroce cet individu-là, avec sa barbe rousse… Mais quel toupet !… On sonne : il ne se retient même pas de faire du potin !… Et il déblatère Creveau !… C’est pourtant lui qu’il faut que je me décide à voir : lui est brutal, mais je saurai à quoi m’en tenir.

Dehors, il se mit à marcher bon pas.

— Celui-ci verra de quel bois je me chauffe… Je vais faire son panégyrique à Madame des Sablons… Il se croit déjà son bon ami ! Ah ! le chameau !… D’autant plus qu’il est dégoûtant avec cette femme… sous prétexte qu’il s’est battu !… La guerre les rend tous fous… Quelle époque ! C’est la porte ouverte à tous les débordements !… On sent ça par soi-même. L’air vous brûle le sang. Moi, un pacifique, voilà que j’ai des ardeurs !…