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GRANDGOUJON

rangés, s’embrassaient derrière un fût vide. Grandgoujon était assis sur le charbon.

Et que c’est long une nuit de cave ! Que se passait-il au-dessus, tout autour ? Peut-être que des maisons s’écroulaient… Les voyageurs n’osèrent remonter qu’à sept heures, fripés, moulus, quand le jour, se faufilant par les soupiraux, fit évanouir les craintes. Le jour est ce que les hommes ont de mieux : la raison de leur vrai courage ; il les éclaire et les grandit.

Mais à peine étaient-ils dans l’escalier, qu’une femme de chambre cria : « Écoutez !… Le tocsin ! »

Allons ! Bombes d’aéro ! Cette fille s’était appuyée au mur, glacée de peur, et à ce moment le colonel, voisin de Grandgoujon, qu’on n’avait pas vu dans la cave, descendait lentement et prononçait d’une voix pacifique :

— Mademoiselle, montez donc, s’il vous plaît, me chercher ma valise.

La femme de chambre balbutia :

— Euh… Plaît-il ?… Bien, Monsieur.

Puis elle commença de grimper en étouffant.

Joyeux, le colonel se frottait les mains. Il dit au patron :

— Bon petit temps, ce matin ?

— Mon colonel… a entendu… le bombardement ?

— C’est ça, dit le colonel, ma note.

Alors le patron souffla à Grandgoujon :

— Sourd comme un tapis !

Grandgoujon, troublé, ne comprit pas ; et ce bonhomme lui parut admirable.