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GRANDGOUJON

— Sortez ! rugit le colonel. Il m’apporte une girouette !!…

Il était hors de lui. Puis, comme du regard il foudroyait Grandgoujon, il fronça le nez, papillota des yeux et soudain il se mit à pleurer, tandis qu’à Grandgoujon aussi il venait des larmes. Scène d’attendrissement ? Non, gaz lacrymogènes, échappés du dernier obus.

— Les saligauds ! cria le colonel hors de lui.

Et cette épithète décida la retraite de Grandgoujon, qui ne comprenait ni cet accueil farouche, ni cette commune émotion.

Un secrétaire, larmoyant, s’empara de sa feuille, et d’une voix mouillée :

— Le colo, voyons, qu’est-ce que tu veux qu’il foute d’une girouette ?

— Eh bien, et moi ? dit Grandgoujon, désespéré.

Il lâcha comme en un sanglot tout l’air qu’il avait dans la poitrine.

— Toi, dit l’autre, retourne d’où que tu viens.

— Encore ! Je n’entends que ça partout ! fit Grandgoujon rageur.

— C’est l’métier, reprit le secrétaire.

— Et puis… ajouta l’homme du Lot avec emphase, que tu laisses la girouette ou que tu la remportes, puisque tu es là, il faut bien repartir !

— Mais il ne fallait pas que je vienne ! cria Grandgoujon, rouge de colère. Voilà comme on utilise les hommes !

— Ça, ce n’est qu’une phrase, conclut le glo-