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GRANDGOUJON

— J’en sors.

— Tu as vu une bataille ?

— Une vraie. Mais je ne pourrai jamais vous raconter : l’artillerie tonne on ne sait pas où ; les hommes tombent, on ne les voit pas : ça se passe dans le ciel et sous terre. C’est de la folie !

— Mon Dieu ! Mon Dieu !… se mit à murmurer Madame Greveau, qui était pâle.

Elle demanda pourtant :

— Avez-vous vu des tanks ?…

— Ah ! fit Grandgoujon, le geste large, j’ai vu tout ce qu’on peut voir.

— Mon neveu aussi ! dit aigrement Mariette.

— Oui, murmura Grandgoujon, seulement… votre neveu n’est peut-être pas auxiliaire. Moi… on m’a envoyé porter une girouette, parce qu’on avait besoin de quelqu’un de sûr, mais… on n’avait pas le droit, moi, de me forcer d’aller jusqu’aux lignes… J’ai senti que je rendais service… J’ai dit : « C’est bon. »

— Voyez-vous !… dit sa mère. Et ce que tu rapportes, est-ce la girouette ?

Il reprit avec naturel :

— Ce sont des appareils délicats… On s’en sert un instant et puis voilà : c’est à réparer.

— Alors, dit timidement Madame Creveau, à quoi servent-ils au juste ?

Il se gonfla pour répondre :

— L’autorité militaire interdit formellement d’en parler.

— Tout cela est passionnant, dit Madame