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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/218

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GRANDGOUJON

— Indisponibe ? La nouba, mironton ! T’as pas à t’en faire !

Il soupira et répliqua :

— Je n’en peux plus !

Quinze-Grammes se découvrit :

— Combien qu’y a d’années que Monsieur est d’ssous les armes ?

— Douze jours, gronda Grandgoujon ; mais j’ai vécu cette guerre depuis le début, avec mon cœur. Et ça s’use, le cœur ! J’éclate dans une caserne !

— Si Monsieur veut me suivre, bredouilla Quinze-Grammes humblement.

Un quart d’heure après, Grandgoujon était en liberté provisoire.

D’abord, il rentra chez sa mère, qu’il trouva navrée devant son journal, lequel contait que le tsar avait été abandonné par ses domestiques. Ceux-ci ayant déclaré ne plus vouloir servir un homme de qui toute la Russie se détournait, l’infortuné souverain, au dire du correspondant, qui télégraphiait d’Amsterdam, avait laissé couler de lourdes larmes sur ses joues :

— C’est cruel, dit Madame Grandgoujon. Moi, je me le rappelle. Du rez-de-chaussée de ma cousine, je l’ai bien vu, lorsqu’il vint à Paris : il avait l’air si agréable et doux.

Grandgoujon, volontairement, ne répondit rien. Grandgoujon, victime de l’autorité, avait décidé d’être impitoyable pour toutes les têtes à couronnes, et de ne plus croire qu’à la vertu des humbles. Alors Madame Grandgoujon se mit à