flexions, il lui sembla qu’il absorbait des litres d’air. Et il retourna chez son vieux médecin. Stupeur. Un jeune le reçut :
— Me tromperais-je ? dit-il. Je venais voir le docteur…
— Hé ! Monsieur, il est mort !
— Mort ?
— Voici huit jours.
— Par exemple !… Et… il est mort subitement ?
— Il avait eu le temps, Monsieur, de mettre de l’ordre en ses affaires ; j’ai pu reprendre tout de suite sa clientèle.
— Vraiment ? dit Grandgoujon atterré… Mais c’est terrible !… Avait-il au moins une maladie ? Ou est-ce encore cette guerre ?…
— Mon Dieu, dit le jeune médecin, se balançant avec avantage, je le crains… Asseyez-vous, Monsieur… Cette catastrophe tue les jeunes au front et les vieux à l’arrière.
— Sans compter, soupira Grandgoujon, tous les autres qu’on ne sait pas… Je les vois, moi, à la caserne, et me vois, sans aller plus loin ! Je vis mon siècle, docteur, ce qui s’appelle le vivre, et je déplore de ne pas être un homme simple. Les intellectuels souffrent tellement plus que les autres !
— Pardon, Monsieur, fit le jeune médecin. À qui ai-je l’honneur de parler ?
— À Monsieur Grandgoujon.
— Ah ! parfait… Votre nom m’est familier déjà… J’ai trouvé dans les papiers de mon prédécesseur plusieurs notes sous ce nom.