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GRANDGOUJON

— Ça à l’air tout simple ! dit Grandgoujon, se prenant la tête.

— Ça l’est ! reprit Colomb : la maman était venue avec l’enfant, mais elle est morte, et le petit fut confié à un soldat convalescent, qui l’amènera en venant en permission.

— Enfin… prononça Grandgoujon, qui ralluma sa pipe, je l’attends.

— Et moi, mon brave ami, reprit Colomb, je voudrais rester, causer, vous remercier comme il faut ! Mais cent affaires m’appellent (il tapait ses poches).

— Assieds-toi, dit Grandgoujon, tu dînes avec nous.

Aussitôt, Madame Grandgoujon fit une figure interdite. Mais il respira largement, comme un homme qui s’observe pour avaler ce qu’il lui faut d’air, puis jovial :

— C’est la guerre ! Je m’excuse auprès de Mariette.

— Oh ! reprit vivement Madame Grandgoujon. Je vais l’aider.

— Madame… Madame… je suis confus, dit Colomb.

Elle s’esquiva. Il était confus, mais heureux. Il aimait être retenu, surtout aux heures où il pensait, en son âme et conscience, se dévouer et faire plaisir. À ce sentimental brouillon la solitude était insupportable : il fallait qu’il s’agitât généreusement près de quelqu’un ; et au cours de ses visites, la facilité qu’il avait de céder aux