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GRANDGOUJON

— Mon beau-frère est dans un état-major ; et il m’écrivait encore hier sa confiance en une fin plus rapprochée qu’on ne pense.

— C’est l’avis de tous les gens sensés, prononça Colomb. Nous le disions avec Madame Grandgoujon : novembre, cher ami, pas plus !

— En effet, dit Punais, aller plus loin paraît bien impossible.

Un silence. Grandgoujon les regardait en souriant.

— Monsieur Grandgoujon, dit Punais, vous m’avez l’air joyeux, vous m’avez même l’air « excité », diraient nos nouveaux alliés d’Amérique. Seriez-vous amoureux ?

Le sourire de Grandgoujon se figea. Colomb répondit pour lui :

— Ma foi, si cela était, que lui conseilleriez-vous ?

— Oh ! dit Punais avec désinvolture, je lui dirais comme mon pauvre père (il avait une charmante philosophie galante) : « Vous avez envie d’une femme ? Vous n’êtes pas capucin ? Prenez-la donc. » Ah ! Ah !

Et Punais se mit à rire, longuement soutenu par Colomb qui fit écho.

Grandgoujon très rouge, le regarda, si gêné que Colomb dit à Punais :

— Nous avons mis dans le mille !

Mais un quart d’heure après, Grandgoujon se retrouva seul dans sa chambre ; et rien que de voir sa propre tête dans la glace, il éclata de rire, murmurant :