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GRANDGOUJON

— Qu’est-ce qu’elle a ?

— C’est d’puis qu’t’as présenté Moquerard à la dame Punais : l’a dû la plaquer ? Mais y a pas à s’en faire : caprices de femme !

Quinze-Grammes n’avait pas besoin de lui conseiller la résignation : il était bien trop las ! De mornes idées l’engourdissaient d’une façon qui semblait définitive. Et, tête basse, il allait, les mains au dos, geste qui lui était familier.

— Tu sais ce que j’ai appris ? dit tout à coup Quinze-Grammes.

— Non ?… la Paix ?

— Une histoire énorme ! Moquerard…

— Ah ?

— Tu crois qu’il est lieutenant ?

— Peut-être…

— Enfin, tu l’appelles « mon lieutenant » ? Et il dit jamais : « Je suis pas lieutenant ». Eh bien, il est pas lieutenant !

— Alors… ses galons ?…

— Regarde de près : tu les verras pas. L’a des cache-galons. Et son képi l’a une housse.

— Et dessous ?

— Il est sergent. J’ai un copain à la Guerre, qui y paye son prêt.

— Si c’est vrai, c’est original.

— J’te crois ! Comme culot, celui-là, l’est culotté !… Et moi, à ta place, j’y dirais.

— Moi ? Tu plaisantes ! dit Grandgoujon. Il peut se faire passer pour maréchal : je m’en fous.

— Tu t’en fous !… Tu t’en fous ! reprit Quinze-Grammes vexé. T’es d’venu bizarre, toi. Tu ri-