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GRANDGOUJON

goles plus jamais. T’as même pas l’air de t’douter qu’il fait aujourd’hui un temps à baver des ronds d’chapeau !

— Si… Mais je m’en fous encore, répondit doucement Grandgoujon. Je suis trop vieux pour vivre cette guerre-là.

— Mais qui te parle de guerre ? dit Quinze-Grammes. L’est marteau, à la fin ! On peut pus causer. Tiens, au revoir, vieux frère !

Il fit trois pas, puis revint :

— À bientôt. J’t’en veux pas.

— Moi non plus, dit Grandgoujon.

C’était vrai qu’il faisait un splendide après-midi de juillet, une de ces clémentes journées où le plus incroyant songe à une bonté divine, car on respire un air tiède qui est comme un pardon des péchés et une douceur à la misère des hommes. Et Paris semblait un peu vide, anémié, ralenti par la guerre, mais Paris rayonnait de beau temps, cette richesse du pauvre, et ses quartiers les plus misérables étaient comblés et dorés d’un soleil abondant dont Grandgoujon ne sentait que la chaleur.

En passant devant Notre-Dame, il se dit qu’il devait faire frais dans l’église. Il entra.

Il s’assit dans l’ombre. Il considéra les gros piliers, la nef majestueuse, la flamme des cierges, et tout cela ne lui donna que des images sans idées. Puis il écouta deux vieilles susurrer un chemin de croix et il se dit :

— C’est malheureux de ne pas avoir la foi comme le Pape… Je devrais étudier ma religion.