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GRANDGOUJON

goûreux. Le major me verrait, il me fouterait dans le service armé… il faut que je me calme… Je vais descendre chez moi prendre un savon et aller au bain.

Il descendit en effet, mais après sa crise de poésie passionnée, ce projet prosaïque, subit un léger retard. Mariette, en lui ouvrant, tendit un papier vert : « Avis pressant de payer ses contributions. »

— Ça vous émeut ? dit-il. Payez vous-même !

Piquée, elle reprit :

— Monsieur et Mâme Poisson sont au salon.

— Bon. Je n’irai pas.

Et il fila dans son cabinet de toilette. Mais Mariette, en hâte, prévint la famille, qui barrait l’antichambre quand il repassa.

— Ne pouvons-nous pas dire un mot à notre cousin ? fit Madame Poisson d’une voie pointue.

— Je suis pressé, dit Grandgoujon se dirigeant vers la porte.

Alors, l’autre éclata :

— Vous aviez l’intention de nous éviter ?… Vous croyez que nous aurons subi aujourd’hui toutes les humiliations…

— Oh ! Oh ! fit Grandgoujon, quel est ce ton ?

Il avait remis son chapeau et se bouchait les oreilles :

— Je vous en prie ! Pas de bourrage de crâne !

— Par exemple ! ricana Madame Poisson. C’est bien à vous d’employer ce terme grossier. Vous pouvez regarder mon mari : vous ne soutiendrez pas son regard. C’est la pureté des yeux qui fait