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GRANDGOUJON

passer : on l’espérait pour une semaine. Alors on y a donné tout le manger qu’était prêt.

Et avec elle, l’homme fit à Grandgoujon l’inventaire.

— Là-bas, dit-il, les mercantis nous bouffent.

— Aussi, reprit la femme, j’y ai fait c’bon gâteau d’riz.

Il ouvrit avec peine une musette sur ses reins.

— Là, c’est un jambonneau, dit la femme.

— Qui pèse son poids, reprit l’homme.

— T’en donneras à Ruffin, dit la femme, qui t’a rapporté une bouteille.

— Sûrement, reprit l’homme. Pis à c’vieux Charles. Son oncle est dans la volaille ; ah ! y a un mois, ce poulet d’grain qu’on s’a enfoncé !…

— Enfin, dit Grandgoujon bonhomme, il n’y a pas à s’en faire.

À ces mots, la femme regarda ses écussons de secrétaire d’état-major, avec défiance. Il dut ajouter :

— Je sais ce que c’est, Madame : j’ai vu le bastringue de près.

Après quoi, il se séparèrent, et Grandgoujon emmena son monde au fameux petit restaurant de l’avenue du Maine, où il avait, en vain, voulu faire dîner Colomb lors de leur première rencontre. Cette fois, il était ouvert.

— Vous allez voir, énonça-t-il, quelle merveille cette petite boîte !

Il commençait de passer sa langue sur ses lèvres.

Il poussa la porte, entra le premier, et, tout de suite, aperçut Moquerard entre deux femmes !