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GRANDGOUJON

— Il ne faut pas le brusquer, dit Grandgoujon. Avec moi il ne s’en fera pas.

Puis s’adressant à l’homme :

— Mon bain commence à m’avoir fait du bien. Vous allez m’attendre tous deux dans le couloir, et nous irons dîner ensemble. Oh !… je ne vous promets pas un festin : ce n’est pas le jour, j’ai le cœur en compote ; mais il faut bien manger et être gentil avec les gens qui, comme vous, sont gentils.

Sa grosse voix tremblait :

— Alors, je vous emmènerai dans un petit restaurant que j’aime et que vous aimerez. Ça va ?

L’homme répondit par un rire : « C’est la nouba ! » Mais… il fallait que le tout ressortit : poilu, enfant, panier, ballot, musettes. Grandgoujon, déjà, était hors de son bain pour les pousser : une femme parut sur le seuil pour les tirer. Grandgoujon se renfonça dans l’eau.

— C’est ma femme, dit le soldat avec naturel.

— Elle est là ? bredouilla Grandgoujon. Qu’elle dîne avec nous.

Elle ne pouvait pas. Elle faisait la cuisine chez un vieux monsieur, et devait simplement, le soir, retrouver à la gare son mari qui repartait, n’ayant qu’une permission de vingt-quatre heures.

Grandgoujon, rhabillé, dut donc se contenter de l’homme et de l’enfant, sans oublier le cochon d’Inde et les bagages.

— Vous en avez des affaires ! dit-il à l’homme.

— Ah ! reprit la femme tristement, il fait que