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GRANDGOUJON

culture, et le canard écrasé, c’est prodigieux ! Tu prends tout un canard, sauf les membres et les aiguillettes ; mais… je vais t’en commander un !

— Mon cher Grandgoujon, ne vous tracassez pas.

— Tu dis ça maintenant ; quand tu sortiras, tu ne penseras qu’à revenir ! D’ailleurs, demain comme aujourd’hui, je suis à ta disposition — toujours. Car il n’y a personne de traité comme moi dans cette boîte-là. On sait que je distingue entre le lapin et le chat ; alors je suis « servi ». Je commande, j’agis… comme tu as l’honneur de dire, j’ai l’impression d’élargir mon existence, et je… Par exemple !… ça c’est fort !

— Qu’est-ce que vous regardez dans la nuit ? demanda Colomb.

— Ah ! Il y a de quoi vous en boucher une surface !…

— Quoi donc ?

— Fermé !

— Le restaurant ? Un restaurant, ça ne ferme jamais.

— As-tu une allumette ? Il y a un papier sur la porte… Un décès ?… Pourvu que ça ne soit pas la patronne !… Peux-tu lire ? « La maison, désormais, sera fermée chaque lundi, pour que le personnel ait un jour de repos. » — Lundi : on est refait !

Colomb eut un rire sarcastique :

— Je ne connaîtrai pas le canard écrasé !

— Tu le connaîtras ! Nous déjeunerons ici demain !