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GRANDGOUJON

— Demain, vous serez…

— C’est vrai ! Tonnerre de chien ! Ah ! moi soldat !… Soldat de quoi ?… Auxiliaire ! Si encore on me donnait un emploi en rapport avec mon métier et ma situation !…

Il parlait ainsi dans sa déconvenue de voir avorter son dîner, mais Colomb lui tapa l’épaule :

— Patience… on ne vous laissera pas croupir.

— Peuh ! On se fichera de moi !

Une lueur courut dans les prunelles de Colomb :

— Si je vous promets de vous faire utiliser ?

Grandgoujon répéta :

— Utiliser ?

— Et de vous faire mettre à la place où vous devez être ?

Grandgoujon répéta :

— Où je dois être ?…

Puis, d’une voix qui trébuchait d’étonnement, mais qui se raffermit d’espérance, il reprit :

— Ah ! ça ! mon vieux Colomb…, si toi, tu arrives à ça…, moi je te jure de te payer un tire-bouchon à musique ou une montre en bois !

— Topez-là ! dit Colomb qui l’entraînait.

Il allait, il allait comme un chat maigre.

— Où cours-tu ? fit Grandgoujon.

— Je n’en sais rien, reprit l’autre. Depuis la guerre je ne peux plus rester en place !

— Eh bien, dit Grandgoujon, entrons dans ce café, pour nous occuper d’abord avec un petit apéritif.

Ils entrèrent.