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GRANDGOUJON

que t’as l’temps d’te remettre !… Vieux, leur a fallu quat’e mois pour m’fourrer indisponibe définitif. C’coup-ci ça y est, mais veulent pas m’libérer et m’nourrissent à rien faire… La guerre d’usure !

— Quelle démence ! soupira Grandgoujon.

— Ici, faut jamais chercher à comprendre.

— Eh bien, oui ! dit Grandgoujon d’un accent sincère ; mais alors nous ne vaincrons pas !

— Pauv’e vieux, pour toi s’agit pas d’vaincre !

— Comment ?

— T’es pas mobilisé pour vaincre ! T’es mobilisé pour faire plaisir à ta concierge.

— Ah ! dit Grandgoujon s’exaltant, ça c’est la vérité !… Ma concierge maigrit que je ne sois pas tué.

— Alors, j’vas t’lire un article su les concierges… tu vas en baver des ronds d’chapeau !

D’un portefeuille en toile Quinze-Grammes tira un morceau de journal, et commença sur un ton admiratif, puis gouailleur :

« En guerre, il n’y a pas que les armées qui se battent : les civils, à l’arrière, se battent entre eux. L’historien qui recherchera les causes de cette fermentation populaire devra, s’il s’attache aux grandes villes, étudier avant tout la Concierge… » Tapé, ça, hein ?

— Admirable ! dit Grandgoujon.

« …la Concierge, avec une majuscule qu’elle mérite, — car la Concierge mène le pays… »

— Mais c’est énorme ! dit Grandgoujon. De qui est cet Évangile ?