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GRANDGOUJON

— D’un copain plubiciste. « …La Concierge est le furet du Gouvernement. Pas d’espion qui espionne mieux que cette espionne qui n’est pas chargée spécialement d’espionner… »

— Prodigieux ! affirma Grandgoujon.

« …Les révolutions n’ont été faites que pour elle, car malgré les Droits de l’Homme, il n’y a qu’elle de libre. Les autres continuent d’être mouchardés : elle, moucharde !… »

— Formidable ! dit Grandgoujon.

— Moi, dit Quinze-Grammes avec flegme, au type qu’a pondu ça, quand il m’lisait, j’y ai dit : « Tais-toi… arrête !… ma rate éclate ! »

— Son nom ? dit Grandgoujon.

— Moquerard. C’est un lieutenant qui boite : l’a des pruneaux dans la hanche. Mais il s’est embusqué dans un Ministère ; il s’en fait pas. Je l’connais par ma sœur, qu’est dactylo et qui y copie ses articles… pis j’crois qu’ils font pas qu’des écritures ensemble.

— Eh ! eh ! fit Grandgoujon.

— Faut qu’jeunesse se passe ! dit Quinze-Grammes.

— Il faut même qu’elle dure, reprit Grandgoujon.

Et ils rirent. Ils vivaient une minute de joie dans une caserne. On peut en vivre, quand on se sent les coudes. Ensemble, ils continuèrent l’article :

« …C’est près de la Concierge que policiers, percepteur, agents des mœurs, créanciers, état-major, viennent s’enquérir comment vivent les citoyens,