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GRANDGOUJON

Près de lui s’assit un zouave, bras en écharpe. Il lui demanda avec pitié :

— Ça vous fait mal, votre bras ?

L’autre eut un ricanement :

— Gros fou, va !

Alors, hagard, Grandgoujon se détourna.

— Hein ? reprit Quinze-Grammes, y en a des clichés à prendre ?

— C’est affreux ! répéta Grandgoujon.

— Mais non, faut pas t’en faire !… Tiens, on va finir l’article su la Concierge.

« Grâce à Dieu, la Concierge a souvent une loge puante, où, dans un air fétide, ses calomnies s’enveniment. Socialement, c’est une erreur de loger la Concierge dans une pièce claire et saine ; il faut l’étouffer pour qu’elle soit nuisible, pour qu’elle dénonce, pour que le Pouvoir, pendant la guerre, ait la paix. »

Sur ces mots, Grandgoujon tapa la table, et avec force :

— Saleté de guerre, elle ne finira pas !

— C’est comme ça qu’t’écoutes ? reprit Quinze-Grammes.

— Je n’en peux plus ! dit Grandgoujon. Ma mère ne se doute pas que je ne verrai jamais la paix !

— Bois donc, dit Quinze-Grammes, ça t’prolongera.

— Ça m’achèvera !

— Alors, bouffe.

— Ici ? J’en claquerais ! Je suis malade, moi !