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GRANDGOUJON

— Quelle donc ?

— « Quand j’étais petit, dit Grandgoujon, c’est moi qui mettais les vaches dehors. Maintenant, c’est les vaches qui me mettent dedans. Signé : Lempereur. »

— Ah ! ils vont pus nous mettre longtemps ! reprit Quinze-Grammes. Vieux méhari, va être cinq heures. J’t’emmène, et j’suis à toi comme le pâté de foie à la tartine !

Mais ce pauvre Grandgoujon n’eut même pas la joie de quitter la caserne, l’esprit libre : Et Dunkerque ? — Salonique ?… Heureusement, le hasard, bon diable sublime, amène des diversions.

— Tiens, cria Quinze-Grammes, dans l’avenue de La Motte-Picquet, v’là le lieutenant Moquerard, l’type à l’article su la Concierge.

— Ah ! dit Grandgoujon, celui qui est bien avec ta sœur ?

— Juste, Auguste. On va rire !

Moquerard s’en venait en boitant, mais il portait haut la tête ; et avec satisfaction il la tournait de droite et de gauche. Il ne fut pas long à voir Quinze-Grammes. Il s’arrêta, puis, d’une voix aiguë :

— Salut, jeune homme de bien !

Quel être étrange ! Il étonnait d’abord par son visage coloré, d’où la barbe avait l’air de jaillir, ardente, — poil en feu sur une chair de carotte, entre des oreilles rouges, sous un nez éclatant. Son aspect était agressif, son œil enflammé, la voix sonnait comme un coup porté, et il était