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GRANDGOUJON

ramassé sur soi-même, coudes au corps, tête dans les épaules, tel un homme qui guette et va s’élancer. Il avait l’air de sortir d’une de ces estampes sous lesquelles on lit : xviie siècle. Comédien de l’Hôtel de Bourgogne. Grandgoujon toujours friand de théâtre, le considéra tout de suite avec sympathie, mais ce fut Moquerard qui parla le premier, et avec admiration.

— Oh ! Monsieur, vous représentez la santé de la France ? Vous êtes une preuve que nous tenons ! Que j’envie votre face !

Quinze-Grammes le tira par la manche :

— C’t’un chic type ; faut pas l’ahurir !

À quoi, tout haut, Moquerard reprit :

— Il dit qu’il ne faut pas vous ahurir !

Il agitait la tête d’une façon farce. Puis, soudain, grand seigneur, et sur un ton de fausset :

— Ne sais-je plus me conduire dans le monde ?

Il salua Grandgoujon qui, brave garçon, sourit.

— Monsieur, je suis votre serviteur, comme on disait jadis, et ce Quinze-Grammes, m’ayant indiqué dans son argot déliquescent que vous êtes un « chic type », je vous serre les mains, l’âme heureuse et émue.

Il se trémoussa.

— M’sieur Grandgoujon est avocat, dit Quinze-Grammes.

— Métier mirifique ! s’écria Moquerard, dans une explosion admirative.

Puis, avec des trémolos :

— Vous défendez la veuve et l’orphelin ? Ah ! Monsieur ! Et… ces pauvres jeunes gens qui font