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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/10

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Ici, quels égards a-t-on pour moi ? continua Barbet. Qu’ai-je à espérer ?

— Oh ! fit Mondauphin, y a le public qui vous gobe.

— Le public ? Des crétins ou des poires ! Chaque fois qu’on m’écrit, ce sont des ordures… Lis…

Il sortit des papiers de sa poche.

— « Monsieur le Rédacteur, vous êtes ce qu’on appelle vulgairement un veau… » ; ça pour un article où je disais que les femmes de France sont sublimes ; « Vieux hideux, voulez-vous que j’aille vous fesser ? », parce que j’ai vanté l’effort des usines ; et celle-ci, rien qu’un mot : cinq lettres, de vingt centimètres et en ronde. Voilà, mon vieux, le public !

— Sans blague ?

Mondauphin s’était levé ; il devenait ce que doit être, à certaines heures, tout garçon d’un journal : le confident, — soit semeur de panique, soit consolateur, selon le moment, la personne et ce qu’il surprend entre deux portes.

— M’sieur Barbet, le patron, pas plus tard qu’à midi, j’entrais, j’y portais une carte ; l’était occupé sur l’canard de ce matin, et il ronchonnait seul, vous savez, en se frigoussant le menton. Eh